Cette année, la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) célèbre son 75e anniversaire. Adoptée par les 46 États membres du Conseil de l'Europe, cette convention protège les droits humains et les libertés fondamentales de plus de 700 millions de personnes à travers l'Europe.
Pierre angulaire de l’état de droit européen
L’adoption de cette convention le 4 novembre 1950 a constitué une avancée révolutionnaire dans la protection des droits humains fondamentaux sur le continent. Elle a été le premier instrument concrétisant et rendant contraignants certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pour la première fois, les citoyen·nes ont eu la possibilité de demander des comptes à leur gouvernement devant une cour internationale : la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg.
La CEDH est devenue la pierre angulaire de l'État de droit européen. Les articles de cette convention, tels que le droit à la vie, l'interdiction de la torture, la liberté d'expression ou le droit à un procès équitable constituent encore aujourd'hui le fondement de nos sociétés démocratiques.
Rapport sur l'État de droit et les droits humains en Belgique
À l'entame de la nouvelle année parlementaire, l'Institut fédéral des droits humains (IFDH) a souhaité informer et sensibiliser les parlementaires, les membres du gouvernement fédéral et les autres responsables politiques au sujet des défis actuels et futurs de l'État de droit et les droits humains dans notre pays.
Le rapport offre un aperçu de la protection des droits fondamentaux dans notre pays. Ses conclusions mettent en lumière plusieurs défis structurels qui révèlent une érosion de l'État de droit en Belgique tels que :
- La non-exécution des décisions judiciaires : malgré de nombreuses condamnations par les tribunaux nationaux et par la Cour européenne des droits de l’homme, certaines autorités continuent de ne pas exécuter les décisions judiciaires. Cela vaut notamment pour les arrêts concernant l'accueil des demandeurs d'asile et les conditions de détention.
- La surpopulation carcérale : la surpopulation structurelle reste une préoccupation en matière de droits humains. Selon l’IFDH, les solutions ne doivent pas seulement être recherchées dans l'augmentation des capacités, mais aussi dans une réforme de la politique pénale et un recours plus large aux alternatives à la détention.
- Le sous-financement de la justice : le budget de la justice reste inférieur à la moyenne européenne. Le manque de magistrats, de greffiers et d'infrastructures entraîne des retards judiciaires et rend l'accès à la justice plus difficile.
- La pression sur les libertés fondamentales et les acteurs sociaux : le rapport met en garde contre les restrictions du droit de manifester et la pression exercée sur les défenseur·euses des droits humains et les journalistes.
- Les arriérés judiciaires : la durée excessive de certaines procédures judiciaires reste un problème persistant. Les longues procédures compromettent la sécurité juridique et peuvent conduire à un déni de justice de fait.
- L’accès limité aux documents administratifs : la transparence est un principe fondamental de l'État de droit. L’IFDH constate que l'accès aux documents publics est encore trop souvent limité ou retardé, malgré la législation en vigueur.
- Le recours aux sanctions administratives : l’IFDH met en garde contre le fait que le recours croissant aux sanctions administratives – par lesquelles les autorités administratives infligent des sanctions sans intervention d'un juge – peut conduire à une érosion des garanties juridiques.
- Les procédures judiciaires abusives : le rapport souligne que les poursuites judiciaires intimidantes ou abusives peuvent avoir un effet dissuasif sur les journalistes, les enquêteurs et les organisations qui dénoncent les injustices sociales.
Selon l’IFDH, ces constats montrent que le renforcement structurel de l'État de droit reste nécessaire, tant au niveau fédéral que régional. Le rapport formule également plusieurs recommandations.
L’IFDH conclut son rapport par un appel à une réflexion constructive et à une coopération interinstitutionnelle. Les trois pouvoirs – législatif, exécutif et judiciaire – partagent la responsabilité commune de protéger et de renforcer l'État de droit.
L’État de droit repose sur un principe fondamental : le pouvoir des autorités publiques est limité par des règles démocratiquement adoptées, destinées à protéger les personnes contre l'arbitraire et tout abus de pouvoir.
Dans un État de droit, les lois ne s’appliquent pas seulement aux citoyen·nes, mais également aux autorités et à leurs représentant·es. Les pouvoirs publics ne peuvent agir que dans le cadre fixé par la loi, conformément aux principes démocratiques, et sous le contrôle de juridictions indépendantes et impartiales
Perspectives
En 75 ans, la CEDH a changé d'innombrables vies et redressé des injustices. Pourtant, les développements récents montrent que les droits humains ne vont jamais de soi. Les défis identifiés par l’IFDH, des arriérés judiciaires aux atteintes aux libertés fondamentales, nous rappellent que la protection des droits humains exige une vigilance constante et un courage politique.
Comme le conclut l’IFDH dans son rapport :
La solidité d’un État de droit ne réside pas dans sa perfection, mais dans sa faculté à identifier et à corriger ses propres dysfonctionnements. Elle suppose un pouvoir judiciaire indépendant, des institutions publiques responsables et un gouvernement garant du respect des droits fondamentaux.
Nous profitons de cet article pour annoncer que l'Institut fédéral pour le Développement durable (IFDD) procède actuellement à une révision de sa boîte à outils ‘Entreprises et droits humains’. Ce guide pratique, qui aide les entreprises à respecter les droits humains dans leurs activités, sera bientôt mis à jour et contiendra des lignes directrices et des outils améliorés afin de promouvoir davantage la responsabilité des entreprises et le respect des normes internationales en matière de droits humains. Nous vous tiendrons bien entendu au courant dès que le nouvel outil sera disponible.
Plus d'informations
- Vous trouverez plus d'informations sur la CEDH sur le site web du Conseil de l'Europe :
La Convention européenne des droits de l'homme
et La Cour européenne des droits de l'homme. - Vous pouvez consulter le rapport complet du FIRM sur l'État de droit et les droits de l'homme en Belgique.
- Exemples d'impacts de la Convention européenne des droits de l'homme par pays
- 75 ans de la Convention européenne des droits de l’homme : continuons à défendre les droits humains (Institut fédéral des droits humains)


